Dans beaucoup de fermes se dressait au fond de la pièce à vivre une grande horloge comtoise. Elles pouvaient aller de la plus simple taillée dans des planches de sapin plates, rabotées et poncées. Il n’y avait ni teinture ni vernis et la décoration était inexistante. La somme d’argent pour en acquérir une de ce modèle était relativement réduite. D’autres, en contrepartie, présentaient des scènes de chasse ou des paysages sculptés dans d’épais morceaux de chêne. La carcasse était massive, l’objet-meuble imposant, le décor somptueux. Enfin, les plus riches préféraient le merisier et la marqueterie faite d’ivoire et de laiton qui rehaussait l’imposant cadran aux chiffres romains peints en noir sur une plaque fine d’acier laqué blanc.
Qu’ils soient riches ou pauvres, cette horloge était la plus belle aux yeux de ses propriétaires, car avant tout, elle donnait l’heure et les sonnait dans la cadence des quarts et des demi-heures.
Emie, en attendant le goûter, restait là, figée devant le balancier de cuivre qui allait de gauche à droite, ou de droite à gauche, dans un cliquetis régulier qui, grâce à une machinerie complexe de rouages, de ressorts en acier trempé et de marteaux, faisait tourner les aiguilles du cadran. La grande bougeait en premier, entraînant avec elle la plus petite dans sa course incessante. Elle s’achèverait lorsque les deux aiguilles se rejoindraient sur le nombre XII. Un nouveau cycle de journée commencerait.